#PPPP : récit d'une évolution

Nous sommes partis avec une seule promesse, celle que le voyage était plus important que la destination. Nous avons défini un parcours rapidement vers le Cambodge, cette destination nous était évidente tant ce pays a une signification pour Annie. Nous avions envie d'Italie, de Slovénie, de Méditerranée et d'îles. Alors nous avons dessiné les premières étapes soigneusement. Mais après, comment faire dans ce monde si grand avec autant de possibilités de routes ? Nous avons trouvé quelques blogs de référence, ils parlaient de Turquie, d'Iran, de Pamir et de Chine. Tout cela nous paraissait évident et nous avons fermé les yeux sur tout le reste.

Nous traversons l'Europe sans surprise et nous approchons de l'inconnu. Cela fait trois mois et l'état d'esprit n'est plus le même. C'est en voyant la Turquie de plus en plus près et c'est en écoutant les conseils de ses habitants que nous revoyons notre parcours. Ce serait vraiment trop bête de traverser ce si vaste pays en ligne droite alors qu'il y a tant de chose à voir au centre au sud et au nord. Nous nous soucierons des conséquences plus tard, le voyage compte plus que la destination.

Lorsque nous longeons la frontière Iranienne pour remonter vers la Géorgie, nous croisons ce cycliste qui est attendu en Ouzbékistan. Il compte les jours et doit traverser en pas de course le Moyen-Orient. Nous sommes également abreuvés de récits de voyageurs qui racontent leur difficultés pour circuler en Chine et même obtenir le visa chinois : ils doivent réaliser un parcours fictif avec réservations d'hôtels et billets d'avion. Une journée pour préparer le dossier à déposer à l'ambassade. On se dit que ce pays ne veut vraiment pas être visité. Nous ne sommes pas pressés d'y aller. Nous faisons un détour d'un mois en Géorgie et en Arménie, l'hiver approche des sommets du Pamir.

L'Iran de Tabriz à Shiraz se visite sur un axe Nord Sud, nous nous interdisons de rester sur la côte Nord au large de la Caspienne. On est en Iran, autant s'y donner à fond. Le voyage compte plus que la destination. Nous arrivons dans le golfe Persique, une sorte de cul-de-sac géopolitique, coincés entre le Yémen,  l'Arabie Saoudite et le Pakistan. Nous sommes obligés de prendre l'avion. Mais où ? Nous envisageons toutes les destinations ensoleillées mais la Nouvelle-Zélande et l'Amérique du Sud sont définitivement trop loin, surtout lorsqu'on est à Dubaï.

Un aléas vient contraindre notre planning. Notre ordinateur tombe en panne (pour la deuxième fois !). Nous prenons notre temps pour visiter Oman avant de repasser le récupérer à Dubaï. Nous avions un temps envisagé l'Espagne avant de revenir en France. Cette option s'envole au rythme des jours qui s'égrainent. Rien ne change,tout va bien, le voyage compte plus que la destination. On a encore toute une vie pour faire l'Espagne.

On maintient, ce sera Kuala Lumpur. On fait une jolie boucle par la Thaïlande et le Laos pour terminer comme prévu au Cambodge. PPPP, Paris - Phnom Penh Project. Sauf que voilà, trente jours de visa pour visiter la Thaïlande du Sud au Nord (2000km au plus court, 3000km et quelques cols si on veut vraiment en profiter), ce n'est vraiment pas assez. On change alors de plan. Encore. On pense à ajouter le Myanmar mais on est un peu tard pour demander le visa.  L'option la plus évidente,  la plus élégante, c'est de faire la Thaïlande en deux fois. On en sort une première fois pour aller au Cambodge et au Laos et on revient pour faire le Nord. On termine à Bangkok, bien plus pratique pour prendre l'avion. Voilà notre chère destination finale, Phnom Penh, rétrogradée au rang d'étape. Et alors ?

Au fil des étapes, nous nous sommes approprié notre voyage. Ou plutôt le voyage s'est incarné et nous a apprivoisé. Nous avons arrêté de lire les blogs (ou on le fait avec beaucoup de recul) pour mieux écouter nos envies. Pour paraphraser le renard dans Le Petit Prince, les gens demandent combien de kilomètres, combien de temps ou quels pays ? Ils ont l'impression de connaître le voyage. Mais ils ne questionnent pas sur l'essentiel : qu'avez vous ressenti ? Comment l'avez vous vécu. Quelle est son odeur, son âme ou le rythme son coeur ? C'est simple, les vraies questions amènent toujours des réponses difficiles et incomplète. Mais la personnalité d'un voyage aussi long est nécessairement subtile et compliquée. Second principe, le voyage est personnel et incomparable.

Je me dis a posteriori que nous n'aurions pas dû appeler ce voyage Paris - Phnom Penh Project. Le voyage est plus important que la destination. Un peu moins de finalité pour un peu plus de liberté. PPPP, Projet de Pérégrinations Poético-Personnelles ?