Vous reprendrez bien une Sardaigne grillée ?
Un jour, quelqu'un a dit "on n'a jamais l'occasion de faire deux fois une bonne première impression". La Sardaigne n'a peut-être pas tout pour elle, mais elle prend au moins ce dicton au pied de la lettre.
Lorsque nous débarquons dans le modeste port de Santa Theresa, celui-ci s'est paré de ses plus beaux atours pour accueillir les passagers venant de Corse. Et il ne souffre pas la comparaison. Les routes sont larges et calmes, les bâtiments sont colorés voire même jolis et quelques cafés avenants nous appellent déjà. Le plus important, il a convoqué le soleil pour qu'il pointe enfin le bout de ses rayons.
Dès la sortie de la ville, tout nous semble plus vaste et plus… désert. Nous pouvons rouler une matinée complète sans trouver un bar ouvert pour nous ravitailler, croisant une voiture un peu sans faire exprès. Toutes les villes que nous traversons ont la fréquentation d'un dimanche après-midi en France, quel que soit le moment de la journée. Beaucoup de magasins ferment en milieu de journée accentuant cette impression de vide.
Le drapeau de la Sardaigne représente quatre têtes Maure. Je pense que c'est là une belle façon d'assumer sa personnalité multiple. Loin d'être un trouble lorsque l'on parle d'une région entière, cela devient une source de curiosité supplémentaire. D'autant plus lorsque ces différentes facettes s'entremêlent.
Disons-le tout de suite, pour les touristes et les cyclistes que nous sommes, la Sardaigne des plaines n'a pas d'intérêt. Les industries et les zones d'activité économique y sont légion et le paysage est morne et sans distinction. De vastes prairies relient les zones urbanisées. Au moins pouvons-nous la traverser rapidement à vélo lorsque le vent y est favorable.
Nous avons un peu fréquenté la Sardaigne maritime, essentiellement au Nord-Ouest de l'île. J'ai encore le souvenir d'une pinède magnifique, le soleil levant dans le dos, au nord de Sassari sur la côte. La route était lisse et le vent favorable. Cela me rappelle le meilleur de ce que peuvent présenter les Landes (bon, il faut aimer les longues et plates lignes droites). Et quelle belle récompense de découvrir juste après une petite montée la ville de Castelsardo : des maisons colorées, construites sur un piton rocheux fouetté par les vagues. Nous ne daignerons pas la visiter de l'intérieur en revanche : ces bâtiments qui nous paraissaient si beaux de loin s'avèrent être des constructions récentes enduites de ces couleurs criardes dont raffolent les Italiens. Nous passerons ensuite à Alghero, l'antithèse de la cité précédente. Peu avenante de loin - on dirait une vulgaire cité balnéaire - mais une magnifique cité fortifiée à l'intérieur où on prend plaisir à déambuler dans ses rues étroites et animées où sur ses remparts d'où on peut voir la mer à peine 20 mètres en contrebas. Pour les amateurs, c'est également un haut lieu du bijou en corail rouge.
La Sardaigne montagneuse n'hésite pas à mettre les pieds dans l'eau pour brouiller les limites. Après Alghero, la SP105, route qui avait commencé côtière, se décide à escalader des collines qui deviennent des falaises pour nous offrir des points de vue magnifiques. D'un côté nous apercevons la mer à l'infini et de l'autre, des cavités béantes couleur calcaire qui se sont formées dans les hauteurs arborées. Nous arrivons ensuite sur un plateau vallonné et verdoyant où tous les terrains possibles sont exploités en pâturages à mouton, séparés par des murets en pierre. Nous croisons sur la route un vieil homme chevauchant un âne et conduisant son troupeau de moutons sur la route. Nous arrivons ensuite dans un village de montagne où les rues pouvant à peine laisser passer une voiture se croisent en permanence rendant toute tentative d'orientation vaine. Nous imaginons ce village en hiver, sous la neige, totalement isolé du reste du monde, où seuls des humains peuvent se déplacer péniblement à pied. Ce type de village, nous en découvrirons encore et encore. Ils peuplent le centre montagneux de la Sardaigne avec toujours cet urbanisme chaotique, ces maisons en pierre et ces routes en galets. Nous trouverons également des termes. Au sens historique comme moderne. Du site archéologique continue à s'écouler la source chaude qui existait donc déjà il y a 2000 ans, l'eau jaillit à 50 degrés avec des propriétés adoucissantes. Un couple vient en remplir quelques bouteilles tandis qu'une autre personne vient faire sa lessive. Certaines choses paraissent immuables.
Comme toute vraie capitale, Cagliari n'a absolument rien à voir avec toutes les descriptions faites jusqu'à présent. C'est donc bien la dernière face distincte de ce périple. La ville est très grande, comme si toute la population avait décidé de s'y retrouver. Les immeubles sont hauts, les routes larges et fréquentées. L'approche et l'entrée dans la ville auront été particulièrement fastidieuses malgré toutes nos tentatives pour éviter les axes principaux. Nous aurons eu droit aux banlieues glauques et décrépites, aux grands axes circulants et au vent. Le front de mer est une gigantesque avenue (la via Roma) où les bâtiments enjambent le trottoir comme sur la rue de Rivoli à Paris. La vieille ville est construite à flanc de colline et est composée de petites rues enchevêtrées et animées qui rappellent Lisbonne. Un vieil amphithéâtre romain rappelle le passé ancien de la ville bien qu'il n'en reste plus grand chose. L'ensemble est animé sans être étouffant.
En conclusion, la Sardaigne est une étape paisible du voyage. Pas d'éléments saillants, pas de mauvaises surprises. C'est une île qui s'ouvre à la contemplation où la présence humaine reste discrète face à la nature omniprésente. Elle offre de façon surprenante des paysages très variés dont certains ne s'offrent qu'aux cyclistes méritants.